Le jour où j’ai annoncé mon départ

J’ai entendu : “Lucie, si tu pars et que tu reviens jamais, on pourra pas dire qu’il n’y avait aucun risque, on se reprochera pour toujours de t’avoir laisser partir seule”.
Merci A. pour ta considération. Mais c’est un peu comme si tu me disais : “Lucie, si tu traverses la rue et que tu te fais écraser par un camion, on se reprochera pour toujours de t’avoir laisser sortir.”
Fallait pas apprendre à marcher alors.
Personne ne va me donner la main pour toujours. Sauf moi-même bien sûr.
Si je ne revenais pas, sachez que :
• Je veux “Beautiful Life” d’Ace of Base à mon enterrement.
• Avant de partir, j’aurais souhaité vous embrasser tous, vous préparer à chacun une compil’ spéciale et vous dire que je vous aime fort et que j’ai grave kiffé la vie avec vous !
Rassurez-vous, Papa, Maman, je pars seulement en voyage. Sans intention de courir des risques inconsidérés. Et j’ai bien l’intention de revenir !
Chaque jour nous remettons notre existence en jeu, en prenant plus ou moins de risques me direz-vous, mais souvent nous prenons des risques sans le vouloir, la faute à pas de chance comme on dit.
Promis les enfants, je regarderai des deux côtés avant de traverser.
Et si jamais, il m’arrivait le pire, comme quelqu’un me l’a prédit, violée, torturée, séquestrée, les 2 voire les 3 à la fois, ne vous en faîtes pas : ce sera long mais je saurais retrouver le chemin de la maison…

Toutes ces dernières fois qu’on vit sans savoir que ce sont des dernières fois à jamais : la dernière fois que je l’ai serré dans mes bras, la dernière fois que je l’ai vu, la dernière fois qu’on s’est parlé, qu’on s’est embrassés, la dernière fois que j’ai ri à une de ses blagues, toutes ces dernières, sans rappel…

Toutes ces premières fois qu’on ne pensait jamais vivre. Tous ces petits instants précieux qu’on vit sans y penser sérieusement : le premier sourire de la journée, la première vision du soleil du matin, la première cigarette (oui, oui, celle-là c’est la meilleure), le premier bisou (c’est cool quand c’est possible, non ?), la première fois qu’on lit la fin d’un livre génial, et puis aussi : traverser la ville à pied en écoutant de la musique, rigoler à en pleurer avec une copine, regarder les autres vivre assise dans l’herbe, retrouver mon chez-moi, préparer des crevettes à l’indienne, me coucher dans une couette blanche en plumes comme un gros nuage, repenser aux bons moments, passés et à venir, à mes projets pour le lendemain ou la semaine ou les mois futurs.

Comme le sable, le temps file dans nos doigts. On sourira à nouveau, on embrassa à nouveau, on relira le livre génial mais pas comme ça. Et au final, c’est vraiment ce que j’aime dans cette vie : elle demeure insaisissable, changeante, surprenante, parfois décevante mais toujours en mouvement. Les ratés comme les bonnes surprises.
Pourtant cette qualité imprévisible de l’existence est bien souvent ce qui me rend le plus triste. Ainsi, je l’ignorais et pourtant tel ou tel moment était “un dernier”. Ça vaut pour des tas de petites choses apparemment sans importance, ce qui me remonte le moral c’est qu’il y toujours la perspective d’autres petits riens nouveaux, d’autres moments précieux.

Ça me fait penser à Meg Ryan dans “Vous avez un message” (“You’ve got mail”), le film que j’ai vu un million de fois : “les gens disent que le changement est une bonne chose, que c’est ça qui fait la richesse de cette ville, (…) Mais en fait, ce qu’ils disent c’est que quelque chose que vous redoutiez est arrivé”. Et du coup, ça me fait penser à Janis : “Freedom is just an other word for nothing left to loose”, c’est facile de se sentir libre quand on a plus rien à perdre. Mais comme on risque toujours de perdre, on ferait peut-être mieux de toujours jouer (gagnant de préférence, histoire de faire venir la chance), puisqu’on a n’a rien à perdre… Mais au fait, est-ce qu’ON A jamais rien à perdre à la bsae, est-ce qu’ON A vraiment quelque chose au final ? Est-ce que c’est le plus important ou n’est-ce pas plus simplement d’essayer quand même ? “I’m gonna try just a little bit harder”. Il me semble qu’il n’y a qu’en prenant le risque de perdre que l’on peut gagner.

Je ne trouve pas qu’il soit morbide de penser à la mort de cette manière. Comme disait Jean-Louis Murat dans une interview à Crossroads Magazine, “on devrait tous penser à la mort au moins 10 minutes par jour”. Bah oui, si on se rappelait plus souvent que tout peux changer du jour au lendemain, on goûterait plus avidement les plaisirs de la vie, on prendrait les raccourcis vers notre désir, on arrêterait de s’emmerder avec le superflu, on aimerait les autres plus fort, avec humilité et tolérance. Je crois profondément en la nécessité d’expérimenter intensément notre existence. (ça c’est dit.) Chaque jour qui passe, où que je sois dans le monde, il y a cette petite voix qui me rappelle que si je veux quelque chose, il faut que j’aille la chercher maintenant ! Et pourtant, et surtout, cette voix me dicte de savourer le temps qui m’est offert, tranquillement, lentement, comme un soir d’été, car dans le fond rien ne presse vraiment…

“Get It While You Can” comme chantait Janis. On ne connaît pas la suite des évènements : profitons de l’amour avant qu’il ne meure, aimons-nous avant la fin de notre temps.

 

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July 24, 2011

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