Le jour où j’ai arrêté de me déguiser

Toujours un peu négligée, la peau abîmée, le cheveux en bataille et pourtant, certainement une des plus belles femmes qu’on ait pu croiser. Janis Joplin avait un sex-appeal inouï. Quand j’avais 17 ans, cette capacité qu’elle avait à transcender le “paraître” m’intriguait. Elle portait des vêtements indiens bariolés, des plumes, des trucs qui n’avaient pas l’air faits pour aller ensemble et pourtant toujours cette aura autour d’elle…
Elle me fascinait ! Et ça dure encore un peu aujourd’hui, sans quoi je ne serais pas partie à sa recherche… Mais dans ces années-là, je vivais une véritable passion amoureuse pour un fantôme. Et je voulais lui ressembler bien sûr.

Alors, comme une ado que j’étais, à l’époque où mes petits camarades portaient jeans déchirés et t-shirts délavés, j’avais les cheveux (plus ou moins) longs, les tonnes de bracelets au bras droit, les pendants d’oreilles, les bagouzes, le foulard indien et les jeans pat’ d’ef’. Au final, c’était de la connerie, un putain de déguisement, ça m’allait pas du tout. Mais comme je m’inspirait aussi d’autres chanteuses qui m’avaient fait forte impression : j’ai porté les yeux au beurre noir façon Siouxsie (oui, oui, c’était plutôt extrême, j’ai fait une allergie à force d’y aller comme une bourine), la minijupe façon Debby Harry (j’osais pas les talons hauts pour aller en cours non plus), le vernis bordeaux façon Carly Simon… En terminale, je fantasmais surtout sur le look de Linda Ronstadt (en particulier l’album “Simple Dreams”), j’avais acheté les mêmes chaussures qu’elle chez Emmaüs. Je les porte encore même si elles mes défoncent toujours les pieds. Je dessinais des tas de tenues dans mes carnets, des portraits d’Emmylou Harris, de Janis Joplin et des idées de bijoux, je savais pas encore si je voulais être styliste ou designer. Ou typographe.

Je portais une minijupe façon Ari Up (enfin ça c’est moi qui le dit) le jour de novembre 98 où un connard m’a agressée sexuellement. Ça m’a calmée sur le port de la jupe pendant presque 10 ans. Plus maintenant. “Proud Slut”*.

Aujourd’hui à Austin, je me balade sur South Congress Avenue (“SoCo” pour les intimes), et je suis vêtue d’une robe moulante et courte à fines rayures rouges et blanches, d’un “leggings” violet flashy, d’un sautoir Pac-Man en cuivre, de boucles d’oreilles en forme de boules violettes, et de grosses lunettes de soleil roses. Et je me fonds totalement avec la population ! Excepté pour le “leggings”, il fait trop chaud pour porter des collants ! (mais ça fait un rappel avec les boucles d’oreilles) Quoique que la fille assise devant chez “Home Slice”, celle avec un énorme piercing dans le nez, porte un slim noir avec des boots en daim… Et même un pull en crochet beige… 100°F, tout va bien ! J’adore cette ville !

On a beau dire, mais les sapes c’est hyper important : le simple fait qu’on ne leur donne pas d’importance est un indicateur en soi. C’est fou ce que les fringues que nous choisissons de porter peuvent raconter sur nous. Et ce qui est génial c’est que l’on peut changer d’apparence tous les jours si nous le souhaitons. Et brouiller les pistes… Je sors des généralités, je sais, c’est magnifique, mais c’est pour bien appuyer mon propos !

Janis était une rebelle en 1963 quand elle traînait sur le campus en jean, t-shirt noir et sandales mexicaines, quand elle n’était pas tout simplement pieds nus. Une vraie beatnik !  “Beatnik” n’est pas un terme rigolo que je place là au hasard. Non, je fais bien référence à la Beat Generation dont Janis se revendiquait.
Le 27 juillet 1962, le Summer Texan titre sur Janis Joplin : “Elle ose être différente !”. Un chouïa masculine, Janis fut élue “l’homme le plus laid du campus” par des mecs avec qui elle s’était tapé sur la gueule. C’est à ce moment-là qu’elle est partie pour San Francisco avec Chet Helms.

Je suis allée voir la résidence qu’elle habitait sur Nueces St, et en voyant tous ces étudiants d’Austin sapés en short et Ray-Ban, branchés à souhait, j’ai repensé à ces histoires de construction d’identité, d’appartenance ou pas à un groupe à travers le vêtement…

Chet Helms devint par la suite la suite le manager de Big Brother & The Holding Cie (et de Captain Beefheart, il faut le savoir) et il s’installa définitivement à San Francisco. Janis, elle, elle a flippé et elle est retournée au Texas.
Elle a rencontré Roky Erickson** qui venait de créer le 13th Floor Elevator (un des rares grands groupes psychés qui ne soit pas de la côte Ouest) et elle a bien failli rester à Austin (moi aussi !). Si son pote Chet n’avait pas envoyé Travis Rivers la chercher en 1966…

Elle a complètement changé de look, Janis, à San Francisco. Plus hippie, moins beatnik. Plus perso, mais toujours aussi peu passe-partout…

 

J’ai pas d’images ou de chanson de Janis qui pourrait illustrer tout à fait ce drôle d’article. Mais par contre, je pense à une chanson de Tori Amos (ça change !)…

 


* Référence aux “slutwalks”.
**Pour info, Roky Erickson vit toujours à Austin, où il apparaît parfois en concert, extrêmement diminué… après une expérience intense des substances illicites, un problème au cerveau et une virée en hôpital psychatrique façon “Vol au-dessus d’un nid de coucou”.

August 7, 2011

2 responses to Le jour où j’ai arrêté de me déguiser

  1. Oncle Paul said:

    Chet Helms n’était pas à proprement parler le manager du capitaine. Il lui a permis de se produire sur scène en plusieurs occasions (j’ai révisé).
    Surtout le destin de Roky Erickson nous rappele le rôle particulier des médecins dans le rock. Il a eu le même traitement ou presque que Syd Barett et effectivement a été soumis à des électrochocs. Qu’il soit encore en vie et autonome est déjà un petit miracle.

    Beware of the doctors !

  2. friscolex said:

    J’étais tellement… rassurée?… contente…? de voir des photo des Slutwalks ici et là dans les States. Plus la société change, plus je me rends compte que les changements les plus importants n’ont pas été encore effectués…

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