Le jour où j’ai attrapé le Cosmico Blues (Part 1)
À mon réveil, le lendemain, les piqûres de moustiques qui couvrent mon corps ont pris une allure plus inquiétante, et ce malgré les applications répétées de crème apaisante. Depuis deux jours, elles semblent avoir enflées et me causent des accès de démangeaisons terribles. Mais ce matin, je remarque qu’elles ressemblent de moins en moins à des piqûres de moustiques. Les formes concentriques rougies et gonflées présentent un point rouge au centre et s’étalent au fur et à mesure sur ma peau. J’en compte 47 rien que sur la jambe gauche ! La piqûre sur ma main droite a atteint au moins 5 cm de diamètre. La veille, j’ai trouvé un minuscule insecte gorgé de sang planté dans mon cou, il peut bien être là depuis ma visite dans le Sud Est… J’ai peur de voyager avec des punaises de matelas ou autres petits parasites attachants… Et comptez pas sur moi pour les photos !
Je me dirige vers la salle commune du Cosmico. Car je ne suis pas arrivée à Marfa, TX, par hasard ! Non, non, c’était bien délibéré ! Marfa, c’est cette toute petite ville du désert à la frontière mexicaine où l’on peut paraît-il observer des “lumières mystérieuses” (faut être drôlement chanceux ceci dit !). Une aura cosmique entoure cette région isolée… Mais ça ce serait rien, si en plus de tout, le grand artiste minimaliste Donald Judd n’avait pas décidé de faire de Marfa son QG, attirant ici artistes, galleristes et critiques d’art. Alors, moi qui était intriguée par cette histoire de lumières, je me suis retrouvée à discuter art contemporain et j’ai eu d’autant plus envie de faire halte là-bas. Bah oui, je peux pas aller à SF depuis Austin en une journée, il faut bien choisir des points de chute… Je sais juste que Janis s’est arrêtée à Tucson, mais j’en sais pas plus, alors pourquoi pas faire un p’tit détour par Marfa ? Marfa semble le lieu étrange et trendy dont on parle au Texas dans les milieux initiés… Pour les autres, c’est juste un patelin paumé avec des vieux cow-boys et des hispanos.
Au coworking d’Austin, un canadien m’a parlé du Cosmico : un hôtel incroyable, à l’image de Marfa, créé par une célèbre texane. Cette femme possède les 2 hôtels les plus branchés d’Austin, ainsi qu’un établissement à San Antonio. Chaque établissement possède sa particularité. Alors, à Marfa, c’est un truc bizarre, comme le coin, où l’on peut dormir soit dans une caravane (rétro-typique), une yourte, ou un tipi. Une sorte de campement, à la fois roots et branché, exactement comme la ville. Allez savoir pourquoi, je me suis dit que ce serait super rigolo de dormir dans une yourte au milieu de ce désert ! J’ai moins rigolé quand j’ai compris que les serpents et les scorpions pouvaient être de la partie…
– “Oh, no, usually the snakes don’t come into the yurts ! It’s just on ground…”
– “Whoa, great ! I feel better, thank you !”
Je me suis demandé ce qui m’était passé par la tête ce soir-là, mais si les démangeaisons ne m’avaient pas tant gênée, je pourrais dire que j’y ai passé une des plus douce nuit de ma vie !
Anyway, ce matin, je me rends à ce qu’on pourrait appeler la réception de l’hôtel. Les deux nanas sont outrées quand elles voient mes jambes et me conseillent vivement d’aller ce pas à la clinique de la ville (à chaque fois, je bute sur ce mot, j’ai toujours envie d’écrire “village”).
Me voici donc une la salle d’attente étrange qui se confondrait aisément avec une galerie d’art : mobilier design coloré mais sobre, sol en béton ciré gris, alignement de gravures originales où toutes sortes de poubelles deviennent des aplats de couleur vives.
Don, le médecin de la ville, est sérieux et marrant. Il pense que je fais une allergie à des piqûres combinées de plusieurs insectes. Il me prescrit une injection immédiate de stéroïdes, un médicament contre l’allergie, une crème surpuissante contre les démangeaisons et une crème à appliquer pendant 12 heures sur chaque parcelle de mon corps.
– “Vous au moins, vous pourrez dire que vous avez vu les États-Unis ! Pas comme tous ces français qui vont à New-York et qui pensent connaître ce pays !”
– “Chouette !”
– “Ce serait mieux si vous pouviez rester en ville quelques temps, qu’on voit comment ça tourne…”
– “Je voudrais être à Tucson demain soir.”
Une femme entre dans le cabinet.
– “Bonjour !”
– “Bonjour ! Vous parlez français ?”
– “Je suis française !”
– “Oh! Mais qu’est-ce que vous faîtes à Marfa ?”
– “Je vis ici depuis 10 ans !”
– “Whao ! Et qu’est-ce qui vous a amené ici ?”
– “Don Judd !”
– “Of course !”
– “Je travaille à la Fondation et Don, que tu vois là, est mon mari. Tu viens d’où ?”
– “De Lille…”
– “Oh, je suis née là-bas ! Toute ma famille est à Marcq-en-Barœul !”
– “Non, sérieux ? C’est fou !”
Alors que je fouille dans ma trousse à la recherche d’un crayon pour noter quelque part les indications du médecin, je vois un Carambar…
– “Hé Valérie ! Tu sais que le Carambar a été inventé à Marcq-en-Barœul ?” (véridique, vous pouvez “googleliser” !) Et tu sais quoi, c’est dingue parce que j’en ai justement un avec moi, et ça me ferait trop plaisir de te l’offrir ! Tiens !”
Je vais à Alpine acheter les médocs parce qu’il y a pas de pharmacie à Marfa. Puis, je traîne dans le salon de l’hôtel, les jambes m’incommodent trop pour aller me balader sous cette chaleur… En fin d’après-midi, je vais voir une expo au Ball-Room digne des meilleures galeries parisiennes. J’erre dans la ville, je discute avec à peu près tous les gens que je croise (c’est à dire pas grand monde…), à la recherche d’un peu d’ombre et de photos-typos.
Une certaine Amber doit venir me couper les cheveux. Sur la terrasse, j’écoute “People Are Strange” des Doors en regardant la lumière décliner sur la grande étendue d’herbes sèches. Je devine les montagnes dans la brume bleue au loin… Amber ne vient pas. Je vais m’installer quelque part dans le campement, je m’assois seule au bar de ce qu’on pourrait appeler une cuisine en plein air.
Et j’attends.
August 9, 2011
4 responses to Le jour où j’ai attrapé le Cosmico Blues (Part 1)
Des stéroïdes ? Tu vas revenir musclée comme « Gouvernator » ?
Ouais, moi aussi, j’ai trouvé ça bizarre quand il m’a dit ça ! Pendant 2 secondes, j’ai bien flippé, je me suis demandé quels genres d’effets secondaires il pouvait avoir… Mais en fait, je me suis renseignée, c’est normal, c’est pas les mêmes stéroïdes, c’est des hormones, pas des anabolisants…!
Ça casse un peu le suspense, mais je dois avouer que ça fait rien de particulier ! (et heureusement !!!!)
Je suis convaincue que ‘People Are Strange’ va avec n’importe quelle situation…
Mais alors là, c’était parfait avec le décor, planant et “strange” à souhait…!