Le jour où j’ai parcouru San Francisco à la recherche de Janis Joplin (Part 2)

J’ai un peu peur d’aller à Haight-Ashbury. Peur de rencontrer d’autres fans. De me mêler à une foule de curieux. C’est ma Janis, les autres peuvent pas comprendre. Et c’est comme ça depuis que je l’ai rencontrée. Voilà pourquoi je ne fais partie d’aucun fan club, voilà pourquoi je ne traîne pas sur les forums dédiés à Janis Joplin, voilà pourquoi je n’aime ni les concerts hommages, ni les sosies, voilà pourquoi je ne crie pas tout haut mon addiction à la chanteuse, et voilà pourquoi je recherche pas la compagnie des autres fans. C’est pas pareil pour eux… Ça peut pas… Sinon…

Ce quartier, autrefois scène de la culture hippie, où l’on croisait des jeunes gens venus des quatre coins du pays prôner la paix, l’amour et les fleurs, est aujourd’hui le théâtre d’un tourisme de masse, des gens de tous âges venus des quatre coins du monde pour renifler des relents d’encens, acheter des t-shirts tye-and-dye, et s’extasier devant la vitrine de Ben & Jerry’s.

Je traverse Golden Gate Park. Toujours le soleil, toujours le vent, mais cette fois une végétation magnifique, des quadragénaires à vélo, des gamins qui escaladent les talus, une jeune femme et un bébé en poussette, un vieux qui joue de l’accordéon sur une statue.

122 Lyon Street. Appartement #3. Le plus célèbre lieu de résidence de Janis Joplin à San Francisco. Une maison typique de la ville, peinte en ocre terne, dans une pente à 45°, avec des grands arbres devant, des trucs hippies accrochés à la rambarde de l’étage qui tintent dans le vent, une chaîne de prières usée qui se balance au balcon du premier… Putain, j’ai encore envie de pleurer bordel ! Oui, ça m’émeut, la vue de cette maison… Si calme, si réelle tout à coup. Je regarde la fenêtre du premier étage où elle vivait, j’admire la vue sur Oak Park depuis la porte d’entrée. Je caresse lentement la rambarde menant au perron en sachant que Janis l’a touchée avant moi… Quand je pense qu’il y a des gens qui vivent dans cette maison. J’imagine si je pouvais habiter dans la maison de Janis… Je deviendrais dingue !! Le père d’Alexis a fait des travaux dans cette maison au début des années 70 et j’ai pu constater qu’il en était sorti psychiquement (et physiquement) indemne. Moi, je doute de mon indemnité psychique rien qu’en la regardant !

Le fond de l’air est frais malgré l’éclat du soleil, je continue mon exploration du quartier, prête à dégainer mon appareil photo à tout instant.

Haight Street est plein de touristes, des français notamment… Morgan m’a dit que c’est aussi là que vis une grande partie de la communauté française de San Francisco, ça expliquerait cette prolifération de compatriotes.
À l’intersection de Ashbury Street et Waller Street, un jeune gars blond assis en tailleur joue de la guitare avec un air inspiré alors que je photographie la maison du Dead au numéro 710. Je me dis que ce serait cool s’il pouvait jouer du Janis. Je reviens sur mes pas à la recherche du numéro 635, au moment où je passe à côté de lui, j’entends :
– “Do you have a lightner ?”
L’histoire se répète (cf. Le jour où j’ai attrapé le Cosmico Blues – Part 2)… C’est clair, j’ai l’air d’une fumeuse !

Il allume son cigarillo, je participe à l’effort de guerre en allumant une Malback. Je souris en regardant le symbole peace and love maquillé sur sa joue gauche. Il semble si jeune et insouciant.
– “Seems like you are on a tour…”
– “Yes I am ! I am on Janis Joplin tour, you see !”
Je lui raconte mon histoire en 2 phrases…
– “Oh, AWESOME !
Les jeunes de ce pays n’ont que ce mot-là à la bouche !
Il ne connait pas une seule chanson de Janis Joplin mais il aime s’assoir là et, à son échelle, perpétuer l’esprit du quartier. Il vit à San Francisco depuis deux ans, pour ses études et ses parents lui ont tellement parlé de Grateful Dead et de l’histoire de Haight-Ashbury…

Nous discutons gaiement du quartier qui a changé, de Paris et de Jim Morrison, de Serge Gainsbourg (c’est incroyable le nombre de fois où j’ai recommandé cet artiste que je n’écoute jamais à des américains !), de Janis, et de mon voyage bien sûr…
– “Awesome ! Seems like you are her friend or something… And you know so many things about her life !”

– “Hey, t’as lu On The Road ?”
– “Ouais, bien sûr ! J’adore !”
– “Such an awesome book ! J’ai voulu faire comme lui, tu vois, j’ai voulu tailler la route en stop. J’ai fait que 50 miles, mais c’est pas ça qui est important… It was the spirit of it !

– “Tu m’as dit que tu t’appelais comment ?”
Je ne lui ai pas dit mon nom…
– “Lucie !”
– “I’m Daniel !”
On se serre la main en souriant.
– “Nice to meet you !”

Il me fait un petit signe et un grand sourire :
– “See you someday in Paris !”
– “I hope so !”

Je photographie une maison rose, où Janis Joplin vécut avec Peggy Caserta, la confidente, l’amante et la partenaire de défonce privilégiée. Je suis exaspérée à la pensée de cette traîtresse…

Un clochard-hippie ou un hippie-clochard me lance :
– “Hi young lady, how do you do ?”
Je lui réponds en riant :
– “Fine thanks, and you ?”
– “Good.”
– “Great !”

Plus loin, des touristes se prennent en photo devant ce que j’imagine être la maison de Jimi Hendrix.

Sur le chemin du retour, je passe devant une porte blanche décorée de peintures naïves et colorées représentant San Francisco. Des airs de musique s’élèvent au-dessus des collines. Je souris en lisant “We built this city on rock’n’roll”… Le titre d’un morceau des années 80 du groupe Starship, spin-off de Jefferson Starship, lui-même spin-off de Jefferson Airplane avec toujours la grande Grace Slick au chant ! Ya pas plus Haight-Ashbury ! Et ya pas plus ringard ! On est loin de la créativité des années 60 ! Et pourtant… Ces artistes ont façonné cette ville, le quartier a changé, certes, mais l’Histoire est là, et les chansons nous rappellent encore ces années bénies où l’on défendait pacifiquement la création un monde meilleur, où l’on vivait d’amour, d’espoir, de musique, de dope. Haight-Ashbury, temple vivant de la musique psychédélique ! Lieu de culte, lieu de pèlerinage, lieu de nostalgie, lieu de musique, lieu de vie !

Au bout de la rue, je croise des vieux hippies défraîchis qui discutent avec des gamins affalés sur le béton du trottoir avec leurs guitares, et je tombe en arrêt devant un énorme magasin… de disques !
Au moment où je passe le porte d’entrée, je me dis :
– “Ok, je suis morte, mais c’est pas grave, j’ai atteint le paradis !!!!!”
Dieu fasse que j’y reste !

(I’m looking out over that Golden Gate Bridge
Out on another gorgeous Sunny Saturday,
noat seein’ that bumper to bumper traffic)

Don’t you remember (remember) …

(It’s your favorite radio station, in your favorite radio city,
The City by the Bay, the city that rocks, the city that never sleeps)

Marconi plays the mambo, Listen to the radio –
Don’t you remember?

We built this city, We built this city on rock and roll
Built this city, we built this city on rock and roll
Built this city, we built this city on rock and roll
Built this city, we built this city on rock and roll

We built, we built this city yeah
We built this city
We built, we built this city

 

Painted wall in Haight-Ashbury

September 6, 2011

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