Le jour où je suis arrivée à San Francisco
Ma Janis,
Ça y est, j’y suis ! Enfin… J’ai roulé tout le jour, j’aurais pu rouler trois jours et trois nuits durant, ça n’aurait rien changé à l’énergie qui me brûlait à l’intérieur ! Tu sais depuis combien d’années j’attends ce moment… Tu sais combien il est important pour moi de te retrouver… Tu sais les déserts que j’ai traversés, les montagnes que j’ai grimpées, les vergers que j’ai trouvés, la route qui est la mienne, la beauté du soleil qui se lève et de celui qui se couche. Alors tu sais ce que j’ai ressenti quand j’ai aperçu les lumières de cette ville que tu aimais tant. Cette ville qui t’as apporté la liberté, la musique et le succès. Cet eldorado de jeunesse et de vie qui t’as vue pleurer, qui t’as vue rire, errer, manger, picoler, chanter, baiser, rire et picoler encore parmi la tribu que tu avais choisie et qui t’avais reconnue.
J’ai rêvé de vivre ici avec toi et aujourd’hui je suis là.
J’aurais beau frapper à ta porte sur Lyons Street, ce ne sera pas toi qui m’ouvrira et pourtant… Je ne me suis jamais sentie aussi proche de toi. J’ai le sentiment que ton fantôme préfèrerait mille fois hanter le quartier de Haight-Ashbury que celui de Griffin Park à Port Arthur ! Je peux tromper bien sûr…
Tu sais quand j’avais 16 ans, je rêvais qu’une Delorean me permette de vivre le Summer of Love avec toi et ton chien Georges (oui, je sais pour la Delorean, on dirait une geek, c’est flippant…). Mais tout au fond j’avais peur : je me disais que, sûrement, si on s’était rencontrées à cet époque, tu m’aurais méprisée, tu m’aurais prise pour une merde. Parce que je n’étais qu’une fan de plus. Et c’est tout ce que tu aurais vu. C’est con les fans. C’est de la merde.
Oh, je te connais ! T’avais trop besoin qu’on t’aime, tu ne m’aurais pas rejetée purement et simplement mais tu n’aurais pas vu autre chose en moi qu’une groupie. Ça me foutait la honte dans le fond. Tu m’aurais jamais aimée avec sincérité, pour les bonnes raisons (si tant est que ça existe “les bonnes raisons” d’aimer !). As-tu jamais offert ton affection un autre être humain que toi autrement que pour panser la solitude qui te minait ? Même Georges, tu l’aimais pour ça : sa dévotion complète, sa fidélité inaltérable, son admiration inoxydable, son indulgence à toutes épreuves, son amour offert avec tant de générosité et d’enthousiasme… Voilà, tu m’aurais aimé comme ton clébard ! Quand je pense que ce sont des fans qui te l’ont volé… T’avais raison, les êtres humains sont moins fiables que les toutous.
Mais tu sais, aujourd’hui, si on pouvait se rencontrer au Fillmore ou à l’Avallon Ballroom, je sais que tu serais fière de moi ! Oui, peut-être même fière de devenir mon amie… Comme je suis fière aujourd’hui d’être celle que je suis même si je suis toujours fan de toi. De ça aussi, j’en suis fière ! Toujours groupie, c’est vrai… Mais plus dans ton ombre, à guetter un sourire de toi, à mendier pour un regard.
Et tu sais, ma chérie, le plus dur dans cette histoire, c’est que moi j’aurais peur de te mépriser à présent : pour ton immaturité, tes tendances autodestructrices, ton égoïsme parfois… Mais ne pleure pas mon amour, non, ne pleure pas, car tu sais bien que cela me serait et me sera toujours impossible !
Moi aussi je voulais qu’on m’aime.
Tu comprends pourquoi j’ai éclaté en sanglots à la vue des collines éclairées de San Francisco. Pourquoi ça m’a rendue malade de bonheur et de douleur. Pourquoi j’ai attendu avant de descendre de la voiture. Pourquoi j’ai inspiré si fort l’air de la nuit. Pourquoi je vais parcourir la ville dès demain matin et pourquoi j’attends avant d’aller à Larkspur…
Ce soir, je suis heureuse.
Je t’aime toujours,
Je suis là,
Ton amie,
Lucie
August 26, 2011 5 Comments
Le jour où j’ai passé un coup de fil à une amie
La brume blanche se lève petit à petit, et dévoile les rivages du Pacifique. Des petits morceaux de soleil flottent à présent sur les vagues, la route épouse le flanc de la montagne et surplombe la falaise. Je traverse un petit pont entre les sapins.
Si vous connaissez un peu votre géographie, vous vous dîtes que vous avez dû manquer un épisode (ou plus) de mon voyage parce qu’aux dernières nouvelles, j’étais quelque part sur la route entre Las Vegas et San Francisco et qu’il y a pas le Pacifique le long de cette route, encore moins la mer ! C’est parce qu’aujourd’hui on est le jeudi 18 août et que j’ai quitté Las Vegas le 7. Et que c’est mon blog, alors je fais ce que je veux ! Je passe outre les histoires les plus croustillantes de mon périple pour vous raconter comme la mer est belle sous le soleil ! Je suis comme ça moi : j’aime bien aller à l’essentiel !
J’ai quitté Monterey ce matin, et à présent je roule sur l’Highway 1 en direction de Los Angeles. Je conduis d’une main, parfois je mets le pied gauche sur le siège, et je m’accoude à la portière, des fois j’écris un truc, je fais une photo, je remets de la crème solaire ou je mange un cookie aux noix de macadamia. Je contemple le paysage, les yeux ébahis. Et accessoirement, je regarde la route… C’est la dernière journée de ce type de mon voyage. Une journée entière à conduire ma caisse en musique à travers des paysages de fous. Et étrangement, je trouve ça un peu triste. C’est difficile de rendre compte de tels moments. C’est même impossible de faire des photos ou des films qui rendent compte de cette expérience. Pour moi, c’est aussi bon qu’une séance de cinéma : la voiture se transforme en salle de projection, son dolby-surround (ou presque !) poussé au maximum, bande originale du film à la demande (c’est un film muet souvent, la musique est hyper importante pour comprendre l’histoire), des trucs à grignoter (possibilité d’emmener du pop-corn), PAF : un plein d’essence. Et roulez jeunesse ! Et en plus, on peut revoir le même film plusieurs fois : ça change tous les jours ! Le mieux c’est quand une bande d’oiseaux marins dont-je-ne-connais-pas-le-nom-et-que-je-n’avais-jamais-vu-avant vole à ma hauteur pendant un kilomètre avant de se poser sur un rocher.
Quand je pense à la colonisation de la planète par l’espèce humaine, je me dis qu’il a des pauv’ gars qui sont allés se perdre au Groenland, s’ils avaient su que d’autres avaient atteint Big Sur… Comme quoi, la vie est injuste depuis la Nuit des Temps !
Je roule et soudain, je pense à mes amis un peu partout dans le monde, à Lille, à Paris, à Dunkerque, à Rennes ou à Austin, je pense à mes poteaux du Coworking, ils doivent encore être en train de trifouiller des trucs Arduino ou s’éclater sur un vieux Mac des années 80 ! Je pense à mon amoureux… J’ai le sourire jusqu’aux oreilles quand je pense à lui ! Je pense au voyage qu’on fait tous les deux et je souris encore plus… Si c’est possible ! Je pense à mes frères, à mes parents. Je pense à mes grands-parents qui vont venir me chercher à l’aéroport lundi, j’ai envie de les prendre dans les bras et de les serrer fort contre moi.
Et soudain, ils me manquent. Tous.
Si seulement, je pouvais téléphoner…
– “…”
– “Hey, Juliiiie !!! c’est moi !!!”
– “…”
– “Ouais, c’est dingue, j’ai envie de te dire «devine d’où je t’appelle ?»”
– rires –
– “I’m on Highway 1, darlin’, it’s awesome ! (rires) Ouais, je me la pète à parler anglais sans arrêt ! Mais là, j’aimerais trop que tu sois assise à côté de moi, t’adorerais, il fait trop beau, c’est génial !”
– “…”
– “Ouais, je conduis ! Dans les virages en plus ! Mais on s’en fout, on est pas vraiment au téléphone, c’est juste dans l’histoire !”
– “…”
– rires –
– “Si tu savais mignonne, tout ce que j’ai vu, tout ce que j’ai fait, tous les gens que j’ai rencontré ! Et Janis, putain ! Oh, je peux pas te raconter maintenant, mais c’est ouf, en même temps que je te parles, je porte quelque chose qui lui appartenu !!”
– “…”
– “Oui, j’t’jure !! Je sais… C’est dingue !!! Mais si tu savais ! … Elle est venue à moi ! Te marres pas ! J’ai compris tellement de choses ! Je sais tout maintenant ! Mais j’t’dis pas, j’t’dis pas… Tu verras sur le blog ! Suspense… Mais tu vois, il s’est passé tellement de choses ces derniers jours, fallait que je VIVE tout ça, j’avais plus le temps d’écrire !”
– “…”
– rires –
– “…”
– “Tu te rappeles quand tu m’as dit «Tu vas voir les États-Unis, tu vas halluciner, t’auras l’impression d’être une figurante dans un film tellement t’as déjà vu ce pays à la télé ou cinéma»? Et bin, t’avais raison ! Et tu sais le mieux ? C’est que j’ai pas eu l’impression d’être figurante pour autant ! Non, non, j’étais la star, ma poule ! C’est moi qui avait le premier rôle ! Tout le temps ! Et comme je suis aussi la réalisatrice, je sais déjà quelle chanson je vais mettre pour le générique de fin ! (– rires –) Oui, mignonne ! Ce sera du Janis Joplin !! Live !”
– rires –
– “Bon, et toi ?? Comment ça va ??”
– “…”
– “Et ton boulot?”
– “…”
–”Et la coloc ?”
– “…”
– “Et Olaf*?”
– “…”
– “Et Thibaut**?”
– “…”
– “Et ta mère ?”
– “…”
– rires –
– “…”
– rires – rires – rires – rires – rires – rires – rires –
– “Bon, mais quand est-ce qu’on se voit mignonne ?? J’ai trop envie de passer la soirée avec toi à se taper la discut’ jusqu’à 3h du mat’ ! De préférence un jour où je lève à 6h le lendemain, c’est plus drôle… ! Oh, si tu voyais ça Julie : ya des éléphants de mer ici !!! Et merde, j’peux même pas t’envoyer de photos, mon ordi va craquer !”
Cet article est dédié à tous ceux que j’aime, où qu’ils soient…
*Olaf est un chat.
**Thibaut est un homme.
August 20, 2011 2 Comments