Le jour où j’ai rencontré Janis Joplin (Part 1)
Quand j’avais 14 ans, j’étais encore abonnée à Okapi. Jusque là on s’en fout, mais il se trouve que ce magazine, de confession catholique, a fait paraître à cette époque un dossier spécial sur le rock. Un petit dossier de 16 pages sans doute, d’Elvis à Nirvana. Que des mecs, normal.
Moi je suis née dans cette musique, bercée par Bruce Springsteen, les Flaming Groovies et Captain Beefheart. Je me demande si mon père a écouté “Lucy in The Sky With Diamonds” je jour de ma naissance, faudra que je pense à lui demander. Mon père il a des passions, oui, les avions, les stylos, son nouvel Iphone, mais il a surtout UNE passion : le rock. Ce terme comprend dans son cas un large spectre de musiques, principalement d’origine nord-américaine : le rockabilly, le cajun, le folk, le blues, la country (rodeo, tradi, country-rock des années 70 et d’aujourd’hui), le rock progressif, le glam rock, le punk, le folk-rock, le hard-rock, les guitars heros, le garage, la new wave, le rock psychédélique, le rock FM, le grunge (un peu quand même), le rock français, hispano, anglais, et j’en passe… Des mecs et des mecs et des mecs, que de la balle ceci dit.
À 12 ans, j’avais demandé un lecteur cassette pour mon anniversaire. Dès qu’une chanson cool passait à la radio, j’appuyais sur le bouton REC. La première, “Be My Baby” de Vanessa Paradis (autant vous prévenir tout de suite que mon père n’a jamais aimé ni Lenny Kravitz, ni Vanessa Paradis, ni la pop sixties), la deuxième, “Leila” d’Eric Clapton version acoustique, et la troisième, “Shoop-Shoop Song” par Cher. C’était la radio en même temps, ils allaient pas passer Screaming Lord Sutch sur France Bleue Picardie. À 13 ans, j’étais branchée Renaud et Téléphone.
Bref (toujours rappeler que j’essaye de faire bref, genre…), je lui montre fièrement mon Okapi, il me dit, c’est de la merde, ils ont oublié untel et untel et untel, c’est un scandale ! Avant qu’il se mette à leur écrire un courrier de réclamation, je lui demande “Papa, c’est qui Janis Joplin?”
Une photo de Janis, teinte en bleue, sur demi-page verticale (c’est la maquettiste qui parle), et cette photo… Comment vous dire l’impression qu’elle m’a faite, ce que mes yeux ont pu y lire…
Comme une extase divine, un sourire, un cri, une puissance, le vent dans ses cheveux, son corps tendu vers le ciel et sa main, pleine de grosses bagues, qui empoigne le micro. À la mise en page, s’ils n’avaient pas détouré la photo et enlevé le bras droit (ils ont aussi mis une symétrie axiale verticale) : j’aurais pu voir son poing brandi sur le ciel.
La photo découpée est toujours sur le mur de la pièce qui fut ma chambre, le “blue tack” a bavé.
Mon père était un peu évasif, ennuyé on pourrait dire, “C’était une chanteuse des années 60… Mais j’ai rien d’elle” (Papa chéri comment as-tu pu vivre 20 ans au milieu des disques sans Janis ?)
“Mais je crois que j’ai peut-être une chanson d’elle sur une compil’…”
Il sort de très loin une pochette jaune en carton avec un cd promotionnel, gardé au cas où… Et le cas venait de se présenter.
– “Papa, c’est qui Big Brother & The Holding Cie ?”
– “C’était le groupe dans le lequel elle chantait”.
Sur le cd, ils avaient fait à l’économie et c’était un titre du premier album du groupe (1967) : franchement inaccessible pour les non-initiés, d’où, en partie, le bide commercial, même encore aujourd’hui, c’est pas le disque de Janis qu’on s’arrache, plutôt celui sur lequel on se rabat par tendresse et parce qu’on a plus rien à se mettre sous la dent.
Quand j’ai reçu le magazine par la Poste et plus tard, quand mon père m’a tendu le cd, je le savais pas encore mais je ne verrais plus jamais la vie de la même manière.
July 12, 2011 3 Comments
Le jour où je mourrai
Souvent j’ai pensé que si le paradis existait et tout et que Dieu m’aimait vraiment, alors que quand je mourrais, si tant est que j’accède au paradis (c’est pas gagné…), Janis serait là pour m’accueillir et qu’elle me serrerait fort fort fort dans ses bras (elle aurait consulté mon dossier émotionnel depuis le 11 août 1981, et même avant!) et moi je la serrerais hyper fort aussi au risque d’être étouffée par sa tignasse et de mourir à nouveau. Si Tori meure avant moi, je veux la serrer dans ses bras aussi juste après ! On chantera le p’tit bonhomme en mousse ou “Amazing Grace” toutes les 3 et j’irais embrasser mes proches, partis avant moi, ceux-là je les aime trop pour rester juste 2 minutes dans leurs bras, on priera pour les vivants et on communiera sprituellement dans l’amour jusqu’à la fin des temps. Je suis très sérieuse, là !
Alors, peut-être que Janis, de là où elle est, connaît déjà la fin de l’histoire, peut-être qu’elle m’entends, qu’elle m’écoute et qu’elle m’attends.
July 12, 2011 1 Comment