Le jour où je ne suis pas morte (Part 1)

La clinique a appelé à l’hôtel El Cosmico lundi après-midi. Le médecin veut me voir absolument avant mon départ pour Tucson, des examens complémentaires me dit-on. Va pour 8.30 a.m.

Je me lève tôt ce mardi, et je me rends à la clinique de Marfa. La salle d’attente est vide. La dame de l’accueil me lance un sourire compatissant :
– “Alors, comment ça va ce matin ?”
– “Beaucoup mieux ! Merci !”
– “Le docteur va vous recevoir…”

On me fait entrer dans la salle de consultations, une petite pièce dépouillée dans les tons gris pâle. Je remarque alors une grande télé dans l’angle que je n’avais pas vue la veille. Je remarque aussi la caméra pointée vers moi, et je comprends qu’il ne s’agit pas d’une simple télé mais d’un instrument de visioconférence. “I can’t hear you, but if you are the patient nod.” Je “nod”. La bonne femme a pas l’air commode. Elle m’observe assise à une immense table en verre sombre, avec paper-board au fond, baie vitrée, vue sur la ville depuis le 47e étage, gros fauteuils en cuir et tout le toutime. Papier. Crayon. Lunettes. Elle est parée. J’ai l’impression d’être une souris de laboratoire.

Don entre. “Will you excuse us, je suis toujours en entretien avec la patiente, je vous reprends après.” Il tourne la télé vers le mur. Puis se tourne vers moi. Il me demande comment ça va. Je répond en souriant que ça va mieux. Il hoche la tête, satisfait.
– “J’ai pris des photos hier des marques que vous présentez, notamment sur votre main droite. Mes collègues m’ont tout de suite alerté sur le fait que vous pourriez avoir contracté une maladie qui se transmet par les piqûres d’insectes. Vos marques sont très similaires à celle qu’on observe sur les patients atteints de la maladie de Lyme. Ça peut aussi être la “rocky fever mountain”…”
Je le trouve plus marrant du tout ce médecin.

– “Bon, vous n’avez pas de fièvre… Mais est-ce que vous vous sentez fatiguée, sans énergie, déprimée ?”
– “Pas du tout !! Au contraire même, j’ai plutôt la pêche, le médoc que vous m’avez donné hier, sensée m’assoupir, ne m’a fait aucun effet ! Et ce matin je me sens beaucoup mieux, les marques sont moins rouges, moins enflées, et ça me démange moins !”
– “C’est les stéroïdes, ça veut rien dire, tout le monde se sentirait mieux après une injection de stéroïdes.”
– “…”

– “Mais, c’est quoi exactement la maladie de Lyme ? Lyme, hein, c’est bien ça ?”
– “C’est une maladie qui se transmet par un parasite de la tique, c’est une bactérie qui infecte votre sang et qui vous fatigue pendant plusieurs mois…”
Il insiste pas trop sur les conséquences de cette infection. Je trouve ça louche…

– “Voilà ce que je vous propose, je vous ai préparé une ordonnance pour des antibiotiques à prendre toutes les 12h pendant un mois, plus la maladie est traitée rapidement, plus la guérison est rapide. Je vous ai également préparé une ordonnance pour un test sanguin. Vous pouvez choisir de prendre les antibiotiques tout de suite et ne pas faire le test, faire le test et attendre le résultat pour commencer les médicaments, faire le test aujourd’hui et commencer les antibiotiques quand même, si le test est négatif, vous arrêtez de les prendre. Vous pouvez aussi attendre votre retour en France pour voir tout ça.”
Que croyez-vous que j’ai décidé. Ok Dr House, va pour le test et les antibios !

L’infirmière, imbuvable la veille est toute de miel aujourd’hui. Au bout d’un couloir, dans un recoin, un siège sur lequel je m’assois. Elle sort son matériel. Deux énormes larmes coulent sur mes joues.
– “I’m sorry, I don’t know why I’m crying…”
– “That’s ok. We are girls, that’s what we do…”
Ça me réconforte pas du tout.
Je me vois là, à cet instant, sur cette route. Et je me dis que c’est pas possible. Janis, tu peux pas m’abandonner ici. Je veux pas de cette maladie en moi…
L’infirmière me fait un garrot et j’ai une vision de Janis avec ses milliers de piqûres d’héro, jusqu’à celle qui l’a tuée… Je pleure. J’essaye de respirer par le ventre, rien ni fait. Alors, intérieurement, je serre la main de Janis dans la mienne. Je pense à elle. Je sais que ça va aller.

De retour à El Cosmico, la tente d’Alec n’est plus là. Je sèche mes larmes et je souris.
– “I’m coming with you, if it’s still available…”
– “It’s still available !”

Au moment où on monte en voiture, je me dis que c’est drôle quand même cette histoire… Janis Joplin a fait le voyage vers Tucson avec Travis Rivers en Chevrolet Bel Air 53 et me voilà en route pour cette ville avec Alec D. dans ma Chevrolet je-sais-pas-quoi !

On the road again !

 

August 11, 2011

One response to Le jour où je ne suis pas morte (Part 1)

  1. friscolex said:

    Looks like we’re always on the road again…

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