Le jour où j’ai entendu le rire de Janis Joplin (Part 2)
Vous croyez aux fantômes ? Moi non plus… Vous croyez à la réincarnation ? Moi je suis pas encore sûre… Vous croyez que l’âme vit encore après la mort ?… Vous croyez qu’on peut communiquer avec elle à distance ? … Vous croyez en Dieu ? Ah oui, moi je crois au sacré… Mais pas en ce “Dieu” dont on parle si souvent, je crois que nous sommes des êtres divins incarnés en êtres humains, je suis pas religieuse. Mais vous croyez peut-être au mystère alors ? Non ? Pas du tout ? Rien ? Vous êtes un vrai pragmatique alors, un cartésien sans doute, un “scientifique” dirait-on. Un jour on naît, et puis un jour on meurt et c’est fini. Point barre. Entre les deux, le hasard et les choix. Les autres ont tort avec leurs grigris et leur rites. La spiritualité, ce gros mot, piège à cons, diriez-vous.
L’histoire qui va suivre n’est peut-être pas pour vous… Quoique! Non, non, pas question de tables qui tournent et d’incantations bizarres. Rien de magique. Rien de surnaturel. Pas de tours de cartes, de trucs ou d’illusions. Juste une présence.
L’histoire c’est que je visite la maison de Dava. J’entre dans une pièce toute blanche, sur le mur de gauche, un tirage original de LA photo de Janis soigneusement encadrée et un morceau de tissu posé délicatement dessus. Soudain, l’émotion me saisit et je dis à Dava : ” C’est la photo de Janis! C’est par cette photo que je l’ai rencontrée…!” (cf. Janis Au Mur) Cette photo est restée punaisée au mur de ma chambre d’enfant depuis tout ce temps. Ici, là-bas, à des milliers de kilomètre. San Diego 1968. Cette photo…
…
C’est l’article le plus dur que j’ai jamais eu envie d’écrire. Je ne sais plus par où commencer : les larmes? Comment décrire l’émotion exacte ? Comment la photo est arrivée dans mes mains ? Je la vois distinctement devant moi, je sens l’épaisseur du cadre, je vois le reflet du soleil sur la vitre et derrière Dava… Comment décrire l’expression de son visage et toute l’émotion qui me saisit, qui court, qui se meut et qui éclaire ? Je crois que je pourrais dire que Dava exprimait le respect et l’attention, comme si elle sentait qu’elle était en train d’assister à un moment précieux, intime et vrai, elle le laissait rentrer chez elle, alors qu’elle ne me connaissais que depuis 1h… Comment raconter la suite ? À quel moment exactement ai-je sentis qu’elle était là. Sa chaleur, sa douceur, son calme, sa bienveillance et quelque part sa douleur d’être partie ainsi ? Janis, Janis, Janis… Reviens, insuffle-moi les mots justes, aide-moi à transmettre aux autres ce formidable moment, cette expérience divine, humaine, spirituelle…
Tu me manques, ce soir encore, j’ai regardé le documentaire sur Arte à propos de Kurt Kobain, et il m’a rappelé mon voyage, et j’étais tellement triste pour lui, comme j’étais si triste pour toi ce jour-là, j’aurais tant voulu que tu partes en paix, je sentais que toi aussi tu aurais voulu ça pour ton passage sur Terre. Tant de grâce, tant de talent, tant d’énergie, de vie et de beauté ! Gâchés, tués par la souffrance, le souffle sacré qui s’étouffe. À peine entrevu, il est déchiré à jamais. Et moi, ici, sur Terre, je t’ai cherchée et tu es venue à moi. Je me suis recueillie là où tu avais vécu et tu es venue me voir alors que je touchais au but.
Toutes les images s’emmêlent de ce mercredi 17 août 2011, je ne vois plus que l’émotion qui m’étreignait et m’étreint encore quand je revois cette photo, là chez Dava… Comme si, soudain, la route avait atteint son but, je l’avais trouvée, elle m’attendait là. La suite de mon voyage ne serait plus, je le sentais qu’une longue cérémonie d’adieux.
J’ai sentie que tu étais là, je l’ai sentie dans mon âme, comme une chaleur, une vibration. Avant même que Dava me tende ton headband et me dise tout doucement : “And this was hers…” Je l’ai pris délicatement dans mes mains, comme si c’était toi que je caressais, et j’ai dit à Dava : “Je me sens…je sens… comme si elle était là… Elle est là… En ce moment, ici… Can you feel it too ?” “Yes, I do.” J’ai pleuré pour toi chérie, de ce que tu n’avais pas eu le temps de vivre, de ce départ prématuré comme je sentais que tu en étais triste, même si je sentais que tu étais en paix avec ça, que tu avais vu une autre lumière. Dava a noué le headband sur ma tête comme je regardais ta photo. Elle pense que je suis peut-être ta réincarnation, car c’est fou le lien que j’ai avec toi. Dava ne croit pas au hasard. Elle pense que tout a un sens au final et que les âmes communiquent entre elles, brillent dans l’amour, résonnent dans l’Univers et qu’on peut être des réincarnations d’autres personnes.
Elle m’a même racontée qu’elle avait eu la révélation qu’elle avait été une maîtresse de Django Reinhardt dans une vie antérieure. Elle sentait tellement ta présence qu’elle battait des paupières. Comme elle avait eu la visite de son défunt mari une semaine avant… J’hésitais entre le rire et les larmes.
On a t’installée sur une chaise, pour discuter avec toi. Mais tu le sais déjà tout ça, c’est pas à toi qu’il faut que je le raconte !
Oui mes chers lecteurs, tout cela est bien arrivé. Oui, c’est fou, et alors? Quand on a confiance en soi et en l’Univers, on peut s’ouvrir sincèrement au monde et le recevoir dans son entier sans peur. Et je ne vous ai pas encore raconté comment on avait fini dans le jardin, Dava avec un joint et une guitare, moi avec une Malback et le headband de mon idole, et Janis avec son cadre, “assise” sur sa chaise en fer forgé couleur bronze. Ni comment Janis a inspiré à Dava la chanson qu’elle voulait entendre. Sous le soleil de Californie, dans le jardin chantant, Dava a pincé les premières cordes et sa voix claire et vibrante a résonné dans l’espace, pleine de joie et de souffrance: “I fell in love with a girl with blue hair…” Les notes dansaient, chaque mot touchait mon cœur, je ressentais si fort la présence de Janis parmi nous. Cette chanson parlait de moi. Et c’était si beau. Quand Dava a reposé sa guitare je lui ai expliqué que la photo d’origine était bleue, une Janis aux cheveux bleus. Que j’étais émue au plus point, comme si j’étais prise de tremblements minuscules, comme des secousses infimes dans mes veines… Elle ignorait l’anecdote de la photo bleue, la chanson était une vieille chanson qu’elle avait écrite pour sa fille plusieurs années avant, et elle a trouvé ça incroyable… Étrange… Confondant.
C’est là sur la terrasse de Dava, au beau milieu de son jardin, que j’ai entendu le rire de Janis retentir, très distinctement. Faut dire que c’est pas le genre de rire qu’on peut confondre. Je ne l’ai pas entendu comme si j’avais une hallucination et qu’en fait c’était juste la voisine qui avait un rire de sorcière. Non, je l’ai entendu avec mon cœur. Si, si, c’est possible. Je l’ai vraiment vécu. Je l’entendais distinctement, mais pas avec mes tympans. Elle est partie d’un grand éclat de rire à la vue de Dava et moi, en grande conversation “mystique”. Faut dire qu’avec Dava on en était à chercher toutes le coïncidences entre Janis, moi et elle. Je lui racontais que je mettais mise à fumer des Malboros depuis mon arrivée aux États-Unis et que j’avais découvert plus tard que c’était les cigarettes préférées de Janis…
Janis, elle, nous trouvait à hilarantes ! Je sentais bien qu’elle se moquait de nous et je me suis sentie encore plus proche d’elle. On devait avoir l’air de hippies sur le retour. Et c’est tellement Janis de railler ceux qui prônait l’amour universel avec des mines éthérées et des grandes idées noyées dans les vapeurs de la drogue, à vénérer le soleil et à vouloir réenchanter le monde en agitant simplement des fleurs et des perles.
J’ai dit à Dava : “Tu crois que je suis folle ?” Elle a répondu avec sérieux, douceur et humour :”Alors on est toutes les deux folles and so, who cares ? maybe we are, maybe not, we don’t mind!” J’ai enlevé le headband et elle m’a dit “Keep it, it’s yours”. Je lui ait dit que je ne pouvais pas accepter un tel cadeau, elle m’a répondu qu’elle ne faisait que me rendre ce qui m’appartenait. Le tissu avait une légère odeur de cookie au caramel.
Dava m’a montré encore pleins de trésors. Il fallait que je parte, j’ai pris une grande inspiration, pour bien regarder cette émotion étrange qui me parcourais et je lui ai dit : “Dava, tu sais que je pars, mais je ne pars pas vraiment. Nous sommes connectées…” “I know, I know…!”
“Thank you so much dear Lucie, you made my day!”
Le soleil brillait si fort quand je l’ai prise dans mes bras pour lui dire au revoir. J’étais décidée à partir mais j’avais mal de m’en aller. Elle, si généreuse, m’a tendue une pomme spéciale, fruit de l’arbre de son amie disparue.
Je me revois encore, au volant de ma Chevrolet, quittant le lotissement propret, avec “You are the light” par Maria McKee, et ce sentiment étrange. Comme sortie d’une expérience chamanique. Je me sentais “all”. Et c’est le seul mot qui me vient. “ALL” I was all. Pleine, entière. Moi. Sur la route. Avec son headband sur la tête.
Depuis, j’ai porté cette relique sur mon cœur. Plus que tout, elle me rappelle à ce souvenir du 17 août 2011, à sa venue, à sa présence.
Des images de cette belle journée…
Et une ode aux “Beautiful People”!
August 3, 2012
3 responses to Le jour où j’ai entendu le rire de Janis Joplin (Part 2)
C’est sûr, le 17 août est spécial !…
Indeed ! 😉
C’est sérieux ce concours quand un des participants illustre la pochette avec une Fender Stratocaster ! Que fait cette guitare pour une chanteuse ? Surtout elle a toujours été accompagnée par des Gibson dont des Standard SG, emblêmatique du rock psychédélique, sauf peut-être par John Till sur Pearl mais là la doc, même web manque furieusement.