Le jour où je ne suis pas morte (Part 2)

“I can’t wait to tell my friends how I met this French girl in the middle of nowhere looking for Janis Joplin!!!”

Lucie (en espagnol, faisant des grands signes) : “Salut ! Joyeux anniversaire !!”
Alec : “Tu le connais ?”
L : “J’ai discuté avec lui hier, il a 70 ans aujourd’hui et il a passé toute sa vie à Marfa ! T’imagines…!”

“Summertime” – Janis Joplin 

L : “Ce paysage est magnifique, c’est incroyable ! C’est tellement beau toute cette étendue sans personne avec juste quelques vaches noires sur les herbes jaunes…”
A : “Moi j’adore cette petite caravane au loin, perdue, au milieu de rien…”

“A Thousand Miles Of Nowhere” – Dwight Yoakam 

A : “J’imagine les indiens qui vivaient là avant… Comment ils faisaient ?”

L : “Puisque t’es là, je vais mettre une chanson australienne…”
“Beds are Burning” — Midnight Oil
A : “Whoa tu connais ?”
L : “Tout le monde connais !…”
Il me raconte l’histoire du chanteur.
A : “Qu’est-ce que tu connais d’autre comme groupe australien ?”
L : “Hum… the Counting Crows, AC/DC…, hum, … Kylie Minogue… En fait, j’y connais rien !! Ça craint !”
Et là il me demande si je connais plein de trucs que je connais pas.
L : “Tu vois le carnet rouge là ? Tu peux écrire tous ces noms dedans ?”

L : “Les Red Hot Chili Peppers ?”
A : “Americains. Définitivement. Californiens.”
L : “Ah oui, c’est vrai, chui con !”

A : “Tu sais quoi, moi je vais m’occuper du GPS, de la musique et des photos et toi tu regardes la route si ça ne t’ennuie pas…”

A : “Génial, ma chanson préférée des Doors !”
L : “Moi c’est “Riders on the Storm” ma préférée…”
“LA Woman” – the Doors

On discute musique, il est fan de la scène electro française : Air, Mr Oizo, Sébastien Tellier, Justice…
A : “C’est quoi ta chanson préférée de Air ?”
L : “En fait, il y en a 3 : “You Make It Easy”, “All I Need” et “Cherry Blossom Girl”. Et j’aime bien “Sexy Boy” aussi…”

“Dock Of The Bay” – Otis Redding

A : “Combien tu paries qu’il a de wagons celui-là ?”
L : “110.”
A : “1, 2, 3, (…) 62, 63, 64, 65 !”
L : “J’y étais presque !”

“Give My Love To Rose” – Johnny Cash

On longe la frontière mexicaine.
L : “Attends, je vais mettre un truc…”
“Will The Wolf Survive” – Los Lobos

L (lisant une enseigne) : “Cactus & Poterie”…
A : “Les deux choses que je préfère enfin réunies !”

“Gimme Shelter” – The Rolling Stones

L : “Bon, désolée, mais là j’ai besoin de mettre du Tori Amos. I need a fix ! Tu connais “Crucify”…”
Il secoue la tête.
L : “OUATE ?! Tu connais par cœur “Watching The Detectives” d’Elvis Costello et tu connais pas “Crucify” de Tori Amos ??”
(– musique + L. qui chante par dessus – )
A : “Ah ouais, quand même…”
L : “Ouais, je sais…” 

A : “Si un jour tu vas à Melbourne, il faut que t’ailles voir un match de football australien au stade !”
L : “Hum, hum ! Ok… j’essairai de m’en souvenir…”

“The Joker” – Steve Miller Band

L : “Sérieux, tu peux pas quitter le Texas sans goûter une crème glacée Blue Bell ! Hum, elles ont l’air trop bonnes… Celle-là, “Rocky Road” ça paraît de circonstance non ?”
A : “Ah ouais, “Rocky Road” c’est avec des chamallows…”
L : “C’est quoi le rapport avec la route ?”
A : “C’est les amandes qui font les cailloux.”

“Girls Got Rythm” – AC/DC

L : “Écoute, je suis désolée, je suis un peu stressée aujourd’hui, je suis pas comme ça d’habitude (en réalité je suis tout le temps comme ça, j’essaye juste de faire croire le contraire, mais ça il est pas sensé le savoir)… C’est à cause de ces histoires de maladie de Lyme et tout, ça m’inquiète vraiment…”
A : “Ça pourrait être pire : je pourrai être un tueur psychopathe et tu le saurais même pas !”
L : “Oh ! JE pourrais être une tueuse psychopathe et tu le saurais même pas !! Ça arrive des fois… T’es taré d’être monté dans cette voiture!!”
(– rires –)
L : “Faut que j’arrête de stresser !”
A : “La crème glacée devrait t’aider…”

L : “Oh regarde, ici, on peut pique-niquer sous des faux-tipis !”

L : “Je crois que je préfères encore qu’on mange dans la voiture, j’ai l’impression d’être assise sur une fournaise !”

L : “Maintenant, c’est le moment de picoler !”
Je vais chercher la bouteille de Southern Comfort planquée dans ma valise. J’ai pas de verre, alors je prends le mini-verre doseur de mon sirop contre les allergies.
A + L : “To Janis !!!”

“Like A Rolling Stone” – Bob Dylan

L : “T’as jamais fait un truc fou, que tu pensais jamais faire ?”
A : “J’ai acheté mes billets pour les States sur un coup de tête, quinze jours après j’étais dans l’avion, et voilà ! Et je te connaissais pas hier et aujourd’hui je voyage avec toi !”
L : “Ok.”

“Hot & Cold” – Katy Perry
A : “Katy Perry ??” (–rires–)
L : “Oui bon bah, ça va ! C’est mon père qui l’a mise. Je m’en suis rendue compte en roulant dans Austin, j’ai éclaté de rire ! Je savais même pas que c’était une chanson de Katy Perry !”
(Je me fais peur des fois ! Je peux même pas citer le titre d’une chanson des Black Eye Peas, c’est pathétique !)

L : “Ce qui est génial à Zurich, c’est que l’eau du lac vient directement de la montagne, elle est tellement pure que tu peux voir tes pieds dans l’eau ! Et puis, dans la ville, il y a toutes ces “beaches”, et tu peux prendre le bateau-bus pour y aller, et…”
A : “Des quoi ?”
L : “Beaches !”
(–rires–)
A : “Oh, j’adore l’accent français ! À chaque fois ça le fait ! Mais il où cet endroit avec toutes ces salopes ? Je veux y aller !”
Il sort son dictaphone et je me prête au jeu en riant.
L : “À Zurich, il  y a toutes ces magnifiques plages (“beaches”) pleines de salopes (“bitches”) !”
Il éclate de rire.

Alors que je coupe la route à tout le monde :
A : “T’es folle ?!”
L : “Meuh non, c’est pas grave, je pourrais toujours dire que je suis française… Et puis je suis une femme, tu sais… les femmes au volant…blahblahblah!”

“Black Betty” – Ram Jam

L : “On voit que t’as jamais conduit à Paris, toi… Tu devrais essayer la place de l’Étoile, on en reparlera… Vérifie avant que le klaxon de ta voiture de location est opérationnel !”
Faisant signe aux voitures alors que je tente de rattraper la file de gauche :
A : “Ok guys, she’s French !

A : “Well, now you’re perfectly parked…
L : “Quoi ça va pas ? Bon, ok, je recommence…”

On fait une pause. Cigarette pour moi. Photos de camions pour lui.
Il va chercher son ordi portable dans le coffre et le pose sur ses genoux.
On roule et il me fait écouter plein de supers chansons typiques australiennes que je connaissais pas.
Alors que nous chantonnons tous les deux sur “A Friend In Me” de Randy Newnam (Randy Newman n’est pas australien), je dodeline de la tête et il tapote en rythme sur ses genoux. Je pense alors ces paroles de Tori Amos : “Music, good friends, I’m Not Dying Today, today, I’m Not Dying Today, today…” Et je me sens bien… “Music, good friends, I’m Not Dying Today !”

L : “Oh regarde ce nuage, Alec, it’s amazing, on dirait des pieds, tu peux faire la photo s’il-te-plaît ?”

Music, good friend,
I’m not dyin’ today
I may be 6 feet under
way down yonder
I’m not dyin’ today
dyin’
I’m not dying, sister…”

 

On the road to Tucson #9

August 11, 2011  9 Comments

Le jour où je ne suis pas morte (Part 1)

La clinique a appelé à l’hôtel El Cosmico lundi après-midi. Le médecin veut me voir absolument avant mon départ pour Tucson, des examens complémentaires me dit-on. Va pour 8.30 a.m.

Je me lève tôt ce mardi, et je me rends à la clinique de Marfa. La salle d’attente est vide. La dame de l’accueil me lance un sourire compatissant :
– “Alors, comment ça va ce matin ?”
– “Beaucoup mieux ! Merci !”
– “Le docteur va vous recevoir…”

On me fait entrer dans la salle de consultations, une petite pièce dépouillée dans les tons gris pâle. Je remarque alors une grande télé dans l’angle que je n’avais pas vue la veille. Je remarque aussi la caméra pointée vers moi, et je comprends qu’il ne s’agit pas d’une simple télé mais d’un instrument de visioconférence. “I can’t hear you, but if you are the patient nod.” Je “nod”. La bonne femme a pas l’air commode. Elle m’observe assise à une immense table en verre sombre, avec paper-board au fond, baie vitrée, vue sur la ville depuis le 47e étage, gros fauteuils en cuir et tout le toutime. Papier. Crayon. Lunettes. Elle est parée. J’ai l’impression d’être une souris de laboratoire.

Don entre. “Will you excuse us, je suis toujours en entretien avec la patiente, je vous reprends après.” Il tourne la télé vers le mur. Puis se tourne vers moi. Il me demande comment ça va. Je répond en souriant que ça va mieux. Il hoche la tête, satisfait.
– “J’ai pris des photos hier des marques que vous présentez, notamment sur votre main droite. Mes collègues m’ont tout de suite alerté sur le fait que vous pourriez avoir contracté une maladie qui se transmet par les piqûres d’insectes. Vos marques sont très similaires à celle qu’on observe sur les patients atteints de la maladie de Lyme. Ça peut aussi être la “rocky fever mountain”…”
Je le trouve plus marrant du tout ce médecin.

– “Bon, vous n’avez pas de fièvre… Mais est-ce que vous vous sentez fatiguée, sans énergie, déprimée ?”
– “Pas du tout !! Au contraire même, j’ai plutôt la pêche, le médoc que vous m’avez donné hier, sensée m’assoupir, ne m’a fait aucun effet ! Et ce matin je me sens beaucoup mieux, les marques sont moins rouges, moins enflées, et ça me démange moins !”
– “C’est les stéroïdes, ça veut rien dire, tout le monde se sentirait mieux après une injection de stéroïdes.”
– “…”

– “Mais, c’est quoi exactement la maladie de Lyme ? Lyme, hein, c’est bien ça ?”
– “C’est une maladie qui se transmet par un parasite de la tique, c’est une bactérie qui infecte votre sang et qui vous fatigue pendant plusieurs mois…”
Il insiste pas trop sur les conséquences de cette infection. Je trouve ça louche…

– “Voilà ce que je vous propose, je vous ai préparé une ordonnance pour des antibiotiques à prendre toutes les 12h pendant un mois, plus la maladie est traitée rapidement, plus la guérison est rapide. Je vous ai également préparé une ordonnance pour un test sanguin. Vous pouvez choisir de prendre les antibiotiques tout de suite et ne pas faire le test, faire le test et attendre le résultat pour commencer les médicaments, faire le test aujourd’hui et commencer les antibiotiques quand même, si le test est négatif, vous arrêtez de les prendre. Vous pouvez aussi attendre votre retour en France pour voir tout ça.”
Que croyez-vous que j’ai décidé. Ok Dr House, va pour le test et les antibios !

L’infirmière, imbuvable la veille est toute de miel aujourd’hui. Au bout d’un couloir, dans un recoin, un siège sur lequel je m’assois. Elle sort son matériel. Deux énormes larmes coulent sur mes joues.
– “I’m sorry, I don’t know why I’m crying…”
– “That’s ok. We are girls, that’s what we do…”
Ça me réconforte pas du tout.
Je me vois là, à cet instant, sur cette route. Et je me dis que c’est pas possible. Janis, tu peux pas m’abandonner ici. Je veux pas de cette maladie en moi…
L’infirmière me fait un garrot et j’ai une vision de Janis avec ses milliers de piqûres d’héro, jusqu’à celle qui l’a tuée… Je pleure. J’essaye de respirer par le ventre, rien ni fait. Alors, intérieurement, je serre la main de Janis dans la mienne. Je pense à elle. Je sais que ça va aller.

De retour à El Cosmico, la tente d’Alec n’est plus là. Je sèche mes larmes et je souris.
– “I’m coming with you, if it’s still available…”
– “It’s still available !”

Au moment où on monte en voiture, je me dis que c’est drôle quand même cette histoire… Janis Joplin a fait le voyage vers Tucson avec Travis Rivers en Chevrolet Bel Air 53 et me voilà en route pour cette ville avec Alec D. dans ma Chevrolet je-sais-pas-quoi !

On the road again !

 

August 11, 2011  1 Comment

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