Le jour où j’ai essayé de raconter mon séjour à Austin
Austin, Janis et moi.
J’ai tenté d’écrire sur le sujet plus de 10 fois et je ne sais toujours pas par quel bout commencer.
Reprenons depuis le début et parlons musique.
Austin se vante du titre de “capitale mondiale de la musique live”. Eh bien, laissez-moi vous dire que ce n’est pas usurpé. Non seulement, la ville regorge tous les soirs de plusieurs dizaines de concerts tous plus excitants les uns que les autres, mais encore ses habitants semblent tous être portés sur le sujet : soit qu’ils jouent d’un instrument, soit qu’ils fassent partie d’un groupe de musique, soit qu’ils courent les concerts avec frénésie, soit qu’ils traînent leurs savates dans les magasins de disques. En clair, c’est gens-là sont de ma famille. (NB : faut aimer la musique américaine de préférence pour partager pleinement cette liesse populaire…)
En 2011, à Austin, on aime prendre le cab-bike pour aller de concert en concert, regarder les nuées de chauves-souris qui s’agitent au dessus de Lady Bird Lake dans le soleil couchant, on aime se baigner dans l’eau glacée de Barton Springs, faire de l’aviron sur le Colorado, se balader dans la nature, on aime le coworking, on aime manger bio, on aime aussi se retrouver autour d’un barbecue, s’habiller “Texas-trendy”, aller voir des films chez Alamo, chiner des “Uncommon Objects” sur South Congress Avenue, on aime les artistes, les musiciens, les idéalistes… On aime à Austin. Et j’aime Austin !
Au début des années 60, c’était une autre affaire. Janis, la rebelle, allait à l’Université du Texas, mais la mentalité du coin ressemblait plus à celle des cow-boys que des hippies. Mais je m’égare déjà…
Revenons-en à nouveau à la musique. Car c’est de ça qu’il s’agit, non ? (Je n’en suis plus si sûre…)
Revenons-en plutôt à ce qui m’amène à Austin : Janis Joplin.
Eh bien, j’ai le grand plaisir de pouvoir dire que je suis enfin rentrée chez Kenneth Threadgill’s, et j’ai vu la table avec son nom gravé (même si plus personne ne peut le retrouver, vu que depuis qu’ils l’ont exposée, tout le monde y a mis sa marque…), j’ai visité la “Janis Joplin’s room” (c’est juste une salle du restaurant), et j’ai eu l’honneur de déjeuner à côté de la photo géante de Janis (j’ai surtout eu l’honneur de déjeuner avec Kathryn, mais ça c’est déjà un autre sujet). Ça vous dit peut-être rien comme ça mais moi j’étais genre “over excited” la veille rien que d’y penser !!!
Du temps de Janis, cet endroit était tenu par Kenneth Threadgill en personne. Avec sa femme Mildred, ils lui ont permis de se produire en concert, parfois seule accompagnée de son “autoharpe”, parfois avec son groupe The Waller Creek Boys. Ce n’était pas juste une histoire de bières gratos, c’était une histoire de famille d’adoption. Quand Kenneth Threadgill a fêté ses 70 ans en 1970, Janis a annulé un concert à gros cachet, et elle a fait le voyage depuis Hawaï rien que pour pouvoir lui offrir une couronne de fleurs exotiques et lui chanter des chansons (dont “Me And Bobby McGee”).
Attendez… J’entrevois quelque chose…
Maintenant que les mots sont devant moi, je sais ce qui a vraiment marqué mon séjour à Austin : ma rencontre avec Kathryn et Joe ! Parce que, comme pour Janis avec Kenneth et Mildred, entre eux et moi c’est une histoire de famille d’adoption. C’est tellement simple et tellement long à raconter : c’est juste l’histoire d’une rencontre d’une évidence incroyable, comme si je les avais toujours connus ! (“Mais où étiez-vous pendant tout ce temps ? Vous m’avez manqué !”)
Et j’écris ses lignes et ils me manquent déjà.
Austin, Janis et moi, c’est une histoire de famille.
Voilà tout !
(au final, j’aurais pu écrire un article plus court, mais ça, je crois que je ne sais résolument pas le faire…Quoique sur la fin, c’est plutôt synthétique !).
Je vous livre tout de même un aperçu de la Janis de cette époque, je risque de revenir sur le sujet.
La musique bien sûr, toujours la musique…
August 5, 2011 3 Comments
Le jour où je ne suis pas allée à la réunion des anciens
Port Arthur et Janis. What a big deal !
Je ne peux pas quitter cette ville sans vous raconter ce qui s’y est passé dans les années 50. Voyez-vous Janis était plutôt précoce (intellectuellement parlant, parce qu’émotionnellement parlant c’était autre chose), elle voulait être peintre, s’amuser, boire et casser la baraque ! Forcément, ce n’était pas du goût de tout le monde là-bas (de personne en réalité). Alors, à quatorze ans, elle a fugué jusqu’à la Nouvelle-Orléans. Elle a cherché à fuir par tous les moyens. Dès qu’elle en a eu l’occasion elle est partie. Et trois mois avant sa mort, alors qu’elle était devenue une rock star flamboyante, elle a savouré sa victoire en assistant à la réunion des anciens du Thomas jefferson High School. Enfin, “savouré” pas tant que ça car si vous regardez bien la vidéo vous comprendrez qu’elle n’avait pas encore tout à fait digéré les insultes et les brimades.
Il y a aussi et surtout cette chanson qu’elle a écrite : Ego Rock. On en trouve une version pirate avec Johnny Winter, fin 69 je crois. Mais le son est vraiment pourri. (Je rappelle que Johnny Winter est né à Beaumont, il est donc originaire du même coin que Janis, et elle l’adorait !) Le version connue est sur “Joplin in Concert” en duo avec Nick Gravenites en 1970. Je vous laisse apprécier les premiers couplets :
I just had to get out on the Texas plane,
Lord, well it was bringing me down.
Yeah, I had to get out of Texas, baby,
Lord, it was bringing me down.
I been all around the world,
But Port Arthur is the worst place that I’ve ever found.I guess they couldn’t understand it there,
Honey, they’d laugh me off the street!
Lord, I guess they couldn’t understand me, baby,
Honey, they’d laugh, I said they’d laugh me right off the street, yeah.
I said I want to keep on moving, baby,
Be the last person I ever wanna meet.Yeah, yeah, yeah,
Honey ain’t it hard when you’re all alone.
Yeah, yeah, yeah, yeah, yeah,
Honey ain’t it hard, Lord, when you’re all alone.
I might die real old lady
But I’d never call Texas my home,
No, no, no, oh!You say you come from Texas, baby,
She says she left Texas with just her name.
(That’s what she told me.)
Yes she’s from Texas I tell you,
She says she left Texas with just her name.
Yes, well I swear when that girl came to the big city
Lord, she learned a brand new game.
Well, yeah!
Tout est dit.
Souvent j’ai repensé à cette histoire et je me suis demandé comment je me sentirais si j’assistais à la réunion des anciens de mon lycée. Oui, parce que, dans une certaine mesure, je les haïs moi aussi, et dans une certaine mesure, ils me l’ont bien rendu eux-aussi. Sur ce point, je me sentais en parfaite adéquation avec Janis.
À 16 ans, quand je me projetais dans le futur, j’aurais souhaité pouvoir aller à une de ces réunions d’anciens dans 10 ans et étaler mon succès : être une rock star ou une écrivain célèbre, avoir plein de tunes, une grosse baraque, une vie sentimentale exaltante, des enfants adorables… Bref, faire preuve d’une réussite retentissante, et leur clouer le bec pour toujours !
Aujourd’hui, j’approche de la trentaine (mais alors, à grands pas !) et je n’ai pas la vie époustouflante qui pourrais provoquer la jalousie de mes anciens camarades de lycée privé et catholique de province.
Ma vie ne correspond à aucun des critères qu’ils considéreraient comme exemplaires. Je ne suis pas célèbre, je ne suis même pas docteur ou notaire, je suis toujours à la dèche côté fric, je n’ai pas d’enfant, je vis dans 15 m2, j’ai quitté mon mari après 10 ans de vie commune, et je continue à porter des bijoux bizarres et à m’enflammer pour des chanteuses inconnues ou des trucs insignifiants pour la majeure partie des gens… Au final, ya pas de magie !
Je navigue à vue.
Le meilleur dans tout ça, ce que je ne pouvais pas imaginer à 16 ans, c’est je suis extrêmement fière aujourd’hui de ce que je suis devenue. Et je l’écris. Tout est vrai, j’aime celle que je suis aujourd’hui, j’aime la vie et j’aime ma vie !!! Quoique qu’en pensent les culs-serrés. C’est un peu rock’n’roll parfois, des fois je ris, des fois je pleure, mais j’essaye de suivre ce fil conducteur : “to be true to myself” (cf. Le jour où j’ai décidé de rembobiner la cassette). Aller au bout de mes désirs. Surmonter mes peurs. M’ouvrir au monde. Et des fois, ça marche !
Alors, maintenant, j’y pense même plus à ces histoires de réunions d’anciens. Je suis la lumière : “I’m a wild seed, let the wind carry me”*…
Et j’arrive à Austin. Et je pense à Janis. Je trouve ça triste qu’elle est gardé cette rancœur si longtemps : après tout, elle vivait l’existence qu’elle avait choisie, elle était libre, talentueuse et célèbre… Moi, je me sens vivante, entourée des gens que j’adore avec qui je partage des moments sincères et enrichissants : que les abrutis du lycée aillent se faire foutre !
Ceci dit sachez que Janis n’en avait pas fini avec les abrutis à Austin… Mais je garde cette information pour un prochain article, comme on dit : “La suite au prochain numéro !”
“I’m one of those regular weird people.”
Janis Joplin
*Joni Mitchell
August 3, 2011 2 Comments