Le jour où j’ai roulé jusqu’à Austin

Il est 13h11 heure locale. “Marry The Night” de Lady Gaga dans mon Ipod. Je suis sur un parking à Beaumont.

Je viens de dire au revoir à Michelle et Lawrence. Je dois avoir la larme facile en ce moment car j’étais très émue en remerciant Michelle. Nous avons passé de si bons moments tous les trois ces derniers jours et je leur suis tellement reconnaissante pour toute l’aide qu’il m’ont apportée dans mes recherches, toute la gentillesse et l’hospitalité dont ils ont fait preuve…
Mais voilà, la route m’appelle, direction la “capitale mondiale de la musique live” à quelques cinq heures de route.

J’allume l’autoradio : “Lucy In The Sky With Diamonds” version plus ou moins reggae sur la FM. Je démarre : “Gimme All Your Lovin'” ZZ Top. Je tourne au coin de la rue.
Et je roule, je roule, et je roule ainsi des heures…

C’est le premier long trajet en voiture de mon périple. Je traverse les bayous, Houston (rien que ça, ça me prend plus de deux heures…) puis le paysage change alors que je me dirige vers La Grange (ce nom fait “tilt” dans ma tête avec la chanson de ZZ Top, j’avais jamais compris avant…), de chaque côté des ranchs : de plus ou moins grandes propriétés avec parfois des grilles à l’entrée comme celles de Southfork (si, si !), du bétail, quelque ballots de paille sèche, une baraque à “BBQ” un peu désolée, comme une friterie de bord de route chez moi.
C’est à ce moment-là que “Forever Young” d’Alphaville se met à résonner à fond dans ma bagnole via le GPS chargé à ma demande par mon père, et putain, ça faisait longtemps que je l’avait pas entendu celle-là, et putain ce que c’est bon ! (Papa Chéri, dans ces moments-là je t’adore !)
Je me souvenait pas que cette chanson était aussi dingue : le solo de trompette doit être un truc au synthé en fait…

Quoi de mieux que de rouler en musique ?
Si je devais me rappeler mes premières émotions musicales, je pourrais dire qu’elles se situent dans mes plus jeunes années, quand petite fille, je descendais dans le Pays Basque avec mes parents et mes frères pour le mois d’août. Une journée entière sur la route (à l’aller comme au retour bien sûr, on prenait pas la fusée pour revenir !). Mon père mettait ses cassettes dans l’autoradio, avec des compilations de ses morceaux favoris. Plus tard, vers huit ou neuf ans, mon petit frère composa ses propres cassettes, principalement inspirées des disques “Rock Line”.
On roulait des heures et le paysage défilait alors que je regardais les nuages prendre la forme d’un roi, ou d’un cavalier, de la belle au bois dormant ou “an ice-cream castle in the sky”*, et je rêvassais comme disent les adultes : et si on pouvait marcher sur les nuages (voire rebondir dessus**), glisser sur un arc-en-ciel, se transformer en fée avec des supers-pouvoirs, et si on rencontrait un écureuil magique avec des yeux immenses et une étoile dans chaque pupille comme dans les mangas et qu’il devenait notre ami, et que ce serait notre secret, et qu’on vivrait des tas d’aventures ensemble dans le dos des parents ? Hum…
Ça laisse songeur n’est-ce pas ?
Le trajet me semblait interminable : j’étais impatiente de voir la mer, de sentir l’odeur des vacances (une odeur bien spéciale je vous assure), de manger des beignets de calamars, et de voir le soleil se coucher sur les rochers de Biarritz. J’avais faim, j’avais soif, et j’avais envie de faire pipi (au choix !)… des trucs de gosses en somme, ou presque ! Il me fallait alors “prendre mon mal en patience” comme disent encore les adultes.

En roulant vers Austin, j’égraine mes souvenirs d’enfance…

Finalement, la musique de mon père m’a fait vivre à cette époque des expériences spirituelles bien plus intenses que la cassette des Aristochats ou celle de Chantal Goya (“Pandi Panda” versus “Lucky Town” de Bruce Springsteen, guess who the winner is…). Comme dans un état méditatif, je me laissais porter par la musique, bien calée au fond de mon siège, le visage tourné vers le ciel, je laissais le temps filer et les pensées vagabonder à mesure que la voiture avalait les kilomètres.
Et c’est pareil aujourd’hui. Quand je prends le train (et je prends souvent le train), je me dis : “chouette, dans le train, j’ai le temps de faire mes comptes !” Nan, je déconne : je veux en profiter pour écrire, classer ou lire et je finis (presque) toujours le casque sur les oreilles, les yeux rivés sur le paysage et l’esprit ailleurs. Et ça pourrait durer des heures.

Avant de partir, j’ai fait mon marché : mon petit papa chéri a chargé le maximum de chansons issues des vieilles cassettes sur le GPS.
Ces chansons résonneront toujours pour moi, elle me connecte avec la petit fille rêveuse et gaie que j’étais alors, et que je redeviens encore parfois… Avec mon frère, on essaye de retrouver tous ces morceaux et ce ne n’est pas chose aisée parce qu’il y en a un paquet et que bien que nous les connaissions par cœur, elles ne sont pas très courantes, même sur internet…

En voiture avec Janis, Tori, toutes autres chanteuses que j’adore et “la musique de la route” de mon enfance, je suis parée ! Je peux rouler des heures et ressentir plus vivement encore tout l’émerveillement que me procure le paysage. Sentir la route, le temps qui passe, la vie et moi. Malgré la lassitude et la fatigue.

Alors quelque part sur une route du Texas, il y a une p’tite française seule sur la route qui chante, qui danse et qui remercie la vie !

“Listen To The Music” – Doobie Brothers / “Hotel California” – Eagles  /”Shake Some Action” – Flaming Groovies / “Hide Your Heart” Molly Hatchett / “America” David Essex / “Funky Western Civilization” – Tonio K. / “Long Tall Woman In A Black Dress” – The Hollies / “Sweet Soul Sister” – The Cult / “Milk And Alcohol” – Dr Feelgood / “Rolene” – Moon Martin / “Workin’ In A Cold Mine” – Devo / “Wild Boys” – Duran Duran / “Midnight Man” – Flash & the Pan / “Sultans Of Swing” (live) – Dire Straits / “Sweet Home Alabama” – Lynyrd Skynyrd / “Refugee” – Tom Petty / “Heart of Gold” – Neil Young / “Gimme All Your Lovin'”- ZZ Top / “Watching The Detectives” – Elvis Costello / “Will The Wolf Survive” – Los Lobos (…)

Tourner le volume des enceintes à fond s’il-vous-plaît, c’est une expérience que voudrais partager avec vous :

 

*”Both Sides Now” de Joni Mitchell
**”Bouncing Off Clouds” de Tori Amos
NB : Ce sont deux références que j’ajoute aujourd’hui mais dont j’ignorais, bien sûr, l’existence à huit ans.

August 1, 2011  7 Comments

Le jour où je me suis prise pour une reporter photo

J’ai envie de vous raconter tout ce que j’ai vu dans le Sud Est du Texas. Je voudrais pouvoir capter cette ambiance particulière, retranscrire chaque image de cet endroit, décrire chaque visage, vous faire entendre chaque son.

Méticuleusement, j’ai traqué tous les lieux que Janis avait fréquentés. Je suis allée partout, et j’ai tout photographié : l’hôpital où elle est née le 19 janvier 1943, reconstruit depuis, son école primaire, son collège, son lycée, l’église où elle a été baptisée, le Coffee House qu’elle aimait.
Son père travaillait à la raffinerie au bout de la 25eme rue.
Et j’y suis allée aussi. Il m’est arrivé là-bas une histoire hilarante (ou presque…) Mon ingénuité me mènera loin, je le sens… Je garde cette anecdote pour mon retour, ya de quoi rigoler dans les dîners mondains… Quand je pense que j’ai vraiment dit cette phrase (dans un anglais u.s. approximatif) : “Oh no, please, I don’t want the FBI to be involved in this neither, really… Not even the Police or the French Ambassade !” Par moments, je me mordais les joues pour ne pas rire car j’avais bien conscience que c’était la dernière chose à faire et pourtant, putain ! Sachant qu’ils ont toujours pas aboli la peine de mort au Texas, on peut dire que je l’ai échappé belle ! (cette fois j’exagère). Don’t worry, au final, je m’en suis sortie comme une reine !

Le soir même j’ai rencontré le père de Michelle qui a publié un énorme livre en deux volumes sur l’Histoire de Port Arthur, il a eu la gentillesse de me laisser prendre des photos… Le lendemain matin, j’étais à la bibliothèque, dans la section réservée aux chercheurs grâce à lui, le bibliothécaire m’a amené le “Janis Joplin File” (il manquait que le plateau en argent). J’étais fébrile, je photographiais tous les documents, un à un. C’était long, oui, en effet… Ensuite nous avons cherché l’emplacement du magasin de disques de Mrs Bonneau. Et on a bien fini par le retrouver. Il ne reste que les fondations, mais on va dire que ça donne une idée.

C’est étrange mais voir toutes choses et collecter toutes ces photos ne m’a pas apaisée, ni même procurée tout le plaisir que j’aurais imaginé. Le magasin de disques, c’est bien gentil, et c’est marrant de savoir que grâce à Mrs Bonneau, Janis a pu s’initier au blues, mais franchement, ça m’apporte quoi de voir une dalle de béton peinte sur laquelle elle a marché il y a 50 ans (même si j’ai bien aimé pouvoir marcher dessus à mon tour) ? Je cherche Janis et elle n’est pas là non plus. C’est presque oppressant quand j’y pense… J’ai le sentiment que si je voulais réellement répertorier chaque trace de son passage (sur cette Terre. Mais disons ici juste Port Arthur pour commencer…) il me faudrait photographier chaque morceau de chaque trottoir de cette ville, et aussi de Port Neches et Beaumont dans le doute. J’ai même photographié la bibliothèque au cas où, logiquement Janis allait au “College” juste à côté, elle adorait lire, elle est forcément passée devant, voire peut-être même qu’elle y est entrée, voire plus, peut-être qu’elle y a emprunté un livre ! J’aurais peut-être dû faire la photo de chaque livre au cas où…

La quête me semble bien vaine. Mais je me sens rassurée d’avoir toutes ces images dans ma valise, je sais qu’elles sont là, je peux les retrouver à tout moment. Je n’oublierai jamais que j’ai (presque) tout vu.
Il est temps pour moi de quitter la ville à présent.

J’aime bien cette photo : on y voit le père de Michelle (en particulier ses mains) chercher une vieille photo de la raffinerie telle qu’elle existait dans les années 50. “You see, Lucie is researching Janis Joplin”…! (et comme on dit ici “Laissé le bon temps woulé !”)

 

Research in Port Arthur Public Library

July 30, 2011  5 Comments

« older posts newer posts »
  • Archives par mois

  • Translate this blog